Épopée en moto

Pourquoi voyager en moto ?


Tout ça c'est la faute au "Picardie" ! Cette série télévisée des années 60 ou 70 qui me fit découvrir la France par ses voies navigables. Dans ma mémoire, il s'agissait de l'histoire d'une famille vivant sur une péniche qui transportait évidemment des marchandises à cette époque. J'ai lu dernièrement le synopsis de ce film et je n'ai rien retrouvé de l'histoire qui m'avait transporté. L'auteur de l'article insistait sur le conflit entre le père et la fille qui m'avait totalement échappé alors que je me souviens parfaitement du voyage lent de ce navire dans les brumes hivernales. En tout cas, c'est bien à cause du « Picardie » que j'ai perdu définitivement le goût pour le sédentarisme.

Dès lors, je n'ai rêvé que de devenir marin d'eau douce. Et je fus bien embêté en grandissant d'apprendre que ce terme servait à cataloguer les pleutres, les frileux, les peureux. D'ailleurs ma mère n'a eu de cesse que de me détourner de la voie que je m'étais tracé. Avec ma compagne, nous avons donc construit un voilier à la fin des années 80 sans se préoccuper si nous deviendrions marins tout court ou capitaines au long court. C'est ainsi que nous nous sommes retrouvés à barboter dans l'eau salée contre vents et marées au lieu de se laisser glisser voluptueusement le long des berges sereines des eaux intérieures Européennes.

Après s'être faits secouer comme des pruniers en Méditerranée pendant 30 ans, nous nous sommes décidés à aller chercher un peu de paix sur l'océan. Les terres volcaniques des Canaries, les baleines des Açores nous ont émerveillées, mais depuis 1990 nous n'avions vécu que sur des îles. Même si cela fait rêver beaucoup de monde, les goûts évoluent avec l'âge. Sans avoir la moindre envie d'un pied à terre, le besoin de renouer avec les paysages bucoliques était devenu impérieux. L'Espagne, puis ensuite le Portugal se sont trouvés sur notre route.

Afin de profiter pleinement de la péninsule ibérique, il nous fallait un moyen de locomotion. Le plus logique aurait été d'acquérir une petite voiture ou, encore mieux, un fourgon à aménager en camping-car. Mais c'était trop simple et puis, on l'avait déjà fait trois fois. La première fois grâce à une Estafette vieille de 33 ans... 

Par contre, il y avait une bêtise que nous n'avions encore jamais commise, c'était d'envisager de voyager en moto. J'ai eu le malheur de signaler cette lacune à ma compagne, qui s'est empressée de me confier la charge de nous dégoter un canasson digne de nos futurs exploits.

Le cahier des charges que je m'étais fixé se retrouva réduit à sa plus simple expression par mon manque total d'expérience :
-- Une 125cc qui se conduit comme une bicyclette.
-- Un budget réduit au raz des pâquerettes, un peu par habitude, pas mal par nécessité et surtout parce que nous n'avions aucune idée si ce projet saugrenu aurait un lendemain.
-- Une moto assez solide, facile à réparer et qui n'attire pas la convoitise.

J'aurais préféré la vieille CG de Honda. Mais il n'y en avait pas de disponible sur le marché lorsque nous avons pris nos billets d'avion. Alors, je me suis rabattu sur l'YBR de Yamaha et je ne le regrette pas... Il y en avait une à carbu près de Nice. Elle était en bon état, 10 ans d'âge, 8000km. J'ai pas cherché plus loin...
Le début fut épique. Il s'agissait de rejoindre le sud du Portugal, à deux sur la moto avec armes et bagages. Les premiers km furent un peu éprouvants. L'équilibre n'est pas mon fort. Si à 17 ans je faisais du cross sans me poser de question comme tous les ados, 40 ans plus tard même les lignes droites me paraissaient biscornues. Disons pour abréger, que nous avons rallié Lyon, pour rendre visite à la famille, en passant par Digne et Bollène, puis Montpellier, Barcelona, Valencia... Et là, ô miracle ! J'ai commencé à être moins crispé !!! Je suis fier, il ne m'a fallut que 2000 km pour reprendre l'équilibre... Le reste ne fut que du bonheur !

Une toute petite parenthèse au sujet du stage de 7h je crois, que les possesseurs de permis B doivent accomplir pour avoir le droit de conduire des 125cc. Ceux qui, comme moi, ont un vieux permis datant d'avant mars 1983 (notez que seul le permis est vieux!), en sont exemptés. Personnellement, étant plutôt anarchiste et radin sur les bords, je suis bien content d'avoir pu m'y soustraire. Mais franchement, ce n'aurait pas été un luxe... Évidemment au bout de 5000 km en 3 mois, en permanence à la limite de la surcharge, je n'ai plus eu vraiment de problème d'équilibre.


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